Cinq Méditations sur la beauté, Cinq Méditations sur la beautémort, François Cheng, Albin Michel - Le Livre de poche

Comment vous convaincre de lire François Cheng ?

Certes, les titres de ces deux courts essais peuvent ne pas soulever votre enthousiasme.

La beauté ? La mort ? Pas très vendeur, tout ça… et au fait, qui est François Cheng ?

Etrange : on connaît les défunts René Char, Michel Serres et Jean d’Ormessson mais fort peu le très vivant et modeste académicien François Cheng : écrivain, poète, philosophe, essayiste, humaniste et traducteur ( du chinois en français… et inversement).

Né en Chine en 1929, François Cheng vit depuis 1949 en France où il a obtenu le Grand Prix de la francophonie de l’Académie française – excusez du peu.

Si vous l’avez vu et entendu à La Grande Librairie de François Busnuel (en 2016, et plus récemment en janvier et en avril 2020), sans doute avez-vous été frappé par l’élocution lente et élégante de ce grand sage (mots et phrases simples pour une pensée subtile et profonde) – mais aussi et surtout par l’attention aiguë de tous ses auditeurs !

François Cheng a mené, il y a quelques années, une série de rencontres sur des thèmes particuliers. Et il a jugé utile de résumer par écrit les réflexions qu’il a conduites devant son auditoire sur… la beauté, qui va sans doute de pair avec la bonté (les deux termes, en français, ne sont-ils pas très proches ?) beauté que François Cheng oppose… au mal – même si, le reconnaît-il, peut aussi exister une beauté (perverse !) dans le mal.

Le monde est beau, nous explique-t-il. Mais l’est-il seulement parce que notre regard est là pour le juger ? Beauté des paysages (un thème essentiel en Chine, où la peinture ne peut montrer l’homme qu’en présence de la nature), beauté donc de la nature, des animaux, des corps – une beauté qui exige l’harmonie, l’équilibre – avec une explication du yin et du yang, inséparables du fameux vide médian… un équilibre toujours ternaire, qu’il s’agisse de la beauté ou de la mort.

Pour ces deux thèmes qu’il aborde de façon progressive (avec des mots simples mais une pensée qui ne cesse de se complexifier), François Cheng mêle harmonieusement sa culture chinoise et la pensée occidentale, sans se priver de citer au passage de nombreux auteurs qui nous sont souvent familiers (Paul Valéry, Proust, Bergson), parfois inconnus et à découvrir ! Il aborde aussi le langage et les mots, en se félicitant de la multiplicité de leurs sens en français, – tiens, justement, par exemple le mot sens (p. 57, deuxième méditation sur la mort) qui offre dans notre langue trois acceptions fort bienvenues :

  • la sensation (les cinq sens)

  • la direction (un sens parfois interdit !)

  • la signification : (le sens de tel ou tel mot – le mot sens en a justement trois… ) sans parler d’une expression parfois ambiguë comme le bon sens ?

Qu’il s’agisse de la beauté ou de la mort, François Cheng nous définit également le Tao : du Tao d’origine, conçu comme le Vide suprême, émane l’Un qu’est le souffle primordial, lequel engendre à son tour les deux souffles complémentaires Yin et Yang ; ceux-ci, par leur incessante interaction, engendrent tous les êtres qui parviennent à faire naître entre eux l’harmonie grâce au troisième souffle qu’est le Vide médian.

Compliqué ? Fumeux ?

Pas du tout – à condition de suivre la pensée et le cheminement de ce penseur hors pair !

Funèbres, ses méditations sur la mort ? Non, bien au contraire : c’est un hymne à la vie qui, nous explique-t-il en préambule, ne nous est précieuse que parce qu’elle aboutit à la mort. Une mort imprécise mais certaine qui nous rend le présent si important.

Une mort qui, à l’image de l’arbre (dont les feuilles, en mourant, nourrissent les racines, promesse du renouvellement de la vie) ou de l’eau (dont le cycle source-rivière-fleuve-mer-nuage-pluie est un cycle fermé) est la promesse d’une vie renouvelée… même si l’athée que je suis a plus de mal à admettre cette conviction sans doute inspirée du bouddhisme.

Une notion, en revanche, effleurée par François Cheng, reste un leit motiv permanent : celle du sacré, qui réconciliera tous les lecteurs potentiels.

Oui : lisez François Cheng !

La vie vous paraîtra plus belle.

Et vous vous sentirez meilleur.

Lus dans leur version poche, deux petits ( 126 et 164 pages) ouvrages précieux à relire et à méditer – de vrais livres de chevet !

CG

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