De même que Darwin se passionnait pour l’origine des espèces, mon obsession récurrente est l’origine des genres littéraires.
Si l’université engrange des centaines de thèses sur les écrivains, leurs influences réciproques et leur thèmes favoris, elle en compte beaucoup moins sur des thèmes en apparence peu nobles : la structure du récit, sa mécanique, ses ressorts et son appartenance à tel ou tel genre.
Ainsi, dans le domaine de l’imaginaire, le classement d’un récit ( nouvelle, roman, film… ) varie selon l’opinion ou/et la culture du critique ( ou du lecteur ) qui le baptise tour à tour science-fiction, anticipation, conte philosophique, fantastique, merveilleux, fantasy… j’en passe !
Depuis quarante ans, tout en affirmant que l’importance d’un récit dépend davantage de ses qualités intrinsèques que de sa forme ou de la catégorie où l’on peut le ranger, je m’efforce de cerner les genres de l’imaginaire, notamment ceux que j’appelle « les fictions invraisemblables » que sont le merveilleux, le fantastique et la SF.
Avec deux préoccupations récurrentes :
1/ Tenter de les définir clairement. Sans quoi il est vain de prétendre classer un récit.
2/ Trouver leur origine, donc les récits qu’on pourrait qualifier de « fondateurs ».
Pour le merveilleux, où l’irrationnel est d’emblée accepté, L’épopée de Gilgamesh et L’Odyssée font souvent l’affaire.
Pour le fantastique, qui est de l’irrationnel inacceptable, je ne départagerai pas les tenants du Diable amoureux ( de Jacques Cazotte, 1772 ) ou du Moine ( de M. G. Lewis, 1796 ).
Pour la SF, littérature de l’irrationnel justifié, j’aime choquer mon public en citant volontiers L’Histoire véritable ( de Lucien de Samosate, 180 ), L’Utopie ( de Thomas More 1517 ) ou encore L’Autre Monde ( de Cyrano de Bergerac, 1657 ).
En revanche, quand on revendique le Frankenstein ( de Mary Shelley, 1818 ) comme l’un des textes fondateurs du fantastique, je m’insurge. Parce que toute la littérature du XIXe siècle où l’irrationnel se teinte de scientifique est toujours qualifiée de fantastique, puisque le terme de SF ne sera inventé qu’en 1929.
En outre, Victor Frankenstein est médecin. Sa créature est conçue, je dirais même fabriquée de façon scientifique, sans qu’intervienne la magie ou l’irrationnel.
Je cite en revanche La Vénus d’Ille ( de Prosper Mérimée, 1837 ) comme l’un des modèles du genre fantastique. Au XIXe siècle, qu’une statue se déplace est inacceptable.
La prochaine fois, nous tenterons de définir, de façon aussi lapidaire, les origines du roman policier.