Mon propos ?
C’est un historique et une réflexion ( livrer une réponse serait prétentieux ! ) sur l’existence d’une autre vie intelligente dans l’univers. Avec une problématique délicate concernant la notion d’intelligence !
Le 23 juillet dernier, une nouvelle exoplanète, Kepler 452 B, a été découverte par les astrophysiciens. Si elle retient l’attention, c’est parce que, parmi les 2 000 exoplanètes déjà répertoriées ( oui, déjà 2000 ), elle est ( enfin ! ) la seule qui offre de nombreux points communs avec la Terre. Je renvoie à Wikipédia ceux qui voudraient avoir des détails sur elle.
Historique : longtemps, nous avons cru être seuls dans l’univers.
Il faut attendre les élucubrations d’écrivains ou de philosophes farfelus ( Giordano Bruno, Cyrano, Fontenelle, Swift, Voltaire, euh, oui, quand même ) et les hypothèses audacieuses d’un Flammarion pour supposer que le cosmos abrite d’autres mondes habités.
En 1924, la découverte des galaxies ( par Hubble – mais grâce à Lemaître ) modifie la donne : l’univers est plus vaste qu’on le croyait : les galaxies, qu’on confondait avec des nuages de gaz, se révèlent être des amas composés de 100, 200, voire 400 milliards d’étoiles.
Et des galaxies… il y en aurait 100 ou 200 milliards – non, l’univers n’est pas infini.
Il faut attendre 1990 ( c’était hier ! ) pour avoir la confirmation de ce qu’on soupçonnait : chaque étoile abrite sans doute un cortège de planètes.
Avec les progrès de l’astronomie ( Hubble et le VLT, Very Large Telescope du désert de l’Atacama ), on détecte leur présence grâce – pour faire simple - à leur passage annuel devant leur étoile, qui en affaiblit l’éclat.
Enormes ( les petites restent invisibles ), elles sont gazeuses. Difficile d’imaginer une vie quelconque dans ces masses de méthane ou d’hydrogène liquide à – 170°.
La découverte de Kepler 452 b m’interpelle et m’amuse. Elle se trouve dans la constellation du Cygne, à 1400 années-lumière de la Terre… là où je situe l’action de plusieurs de mes romans de SF quand j’évoque des extraterrestres : Le château des enfants gris, L’Eternité, mon amour – j’en passe ! Et elle permet de (re)poser la question de la vie dans l’univers.
Réflexion :
Procédons par ordre et faisons jouer les lois de la probabilité.
On peut estimer ( même avec une marge d’erreur de 100, de 1000 % ! ) qu’il existe des milliards de milliards de planètes. Mais une étoile sur deux est double, ce qui exclut a priori le développement de la vie sur une planète gravitant autour d’elles. Et puis il y a des étoiles géantes, des naines… bref, n’importe quelle étoile n’est pas propre à abriter une planète tellurique dotée d’une atmosphère adéquate, d’une densité raisonnable, pourvue d’eau…
On voit que la proportion faiblit, qu’il faut sans cesse diviser par deux, par cent, par mille…
Qu’importe ! Il reste beaucoup de candidates pour la vie.
Des millions.
Des milliards.
Si la vie, ce sont des molécules organiques, des acides nucléiques propres à favoriser la réplication, c'est-à-dire l’ADN – alors oui, la vie peut, a pu ou pourra se développer sur des millions, des milliards de mondes.
Admettons...
La difficulté se corse avec la notion de durée… et d’intelligence.
La durée ?
Mais oui : sur notre Terre, vieille de 4,3 milliards d’années, la vie existe depuis moins de 2 milliards d’années. Les hommes depuis… 2 millions d’années ( pour faire simple ) et l’homo sapiens moderne depuis… 40 000 ans ( disparition du Néandertal ).
Mais l’homme qui maîtrise les technologies et les lois qui régissent l’univers est récent.
200 ans ?
La bonne question serait donc d’évaluer la durée de vie de cette espèce, la nôtre, espèce capable de maîtriser l’astronomie, de lancer des satellites et de tenter de communiquer avec d‘autres espèces douées des mêmes capacités – voilà seulement 50 ou 60 ans ( projet SETI ) qu’on lance des messages à l’intention d’autres formes de vie – ou qu’on essaie d’en capter. Soyons optimistes : 1 000 ans. 10 000 ans. 100 000 ans ? Ce sera de toute façon une goutte d’eau comparée à la durée de vie de l’univers.
Sur Terre, rien n’a été tenté avant 1960 ; une fois l’humanité disparue, qui prendra le relais ?
Ce qui, en clair, signifie que si existe ( si a existé, ou si existera ) ailleurs dans l’univers une espèce ( à peu près ) identique à la nôtre, il est fort probable qu’elle a disparu.
Ou qu’elle n’est pas encore née.
Pire : si elle existe en ce moment même ( par exemple, pourquoi pas, sur Kepler 452 b ? ), les messages que ses astronomes nous adressent en 2015 arriveront ici en… 3415.
Ne parlons pas de visiteurs éventuels qui, à la vitesse où l’on se déplace actuellement dans l’espace, arriveraient sur Terre ( enfin, dont les descendants arriveraient sur Terre ) beaucoup plus tard. Si l’on va sur Mars en 2030 ( hypothèse optimiste ), le trajet demandera 8 mois. A cette vitesse ( 10 km/seconde ), on atteindra Kepler 452 B au bout de 30 000 fois 1600 ans.
Soit 48 millions d’années.
Pas évident.
La conclusion, toutes probabilités envisagées, c’est que la vie a existé, existe et existera ailleurs que sur la Terre.
La notion d’intelligence.
Mais quelles formes de vies ? Bactéries, plantes, insectes ?
Oui, sans doute.
Poissons, oiseaux, mammifères ?
Là, les lois de l’évolution ne nous livrent aucune réponse certaine.
Que des espèces humanoïdes apparaissent n’est pas du tout certain.
Et que l’une d’elles finisse par acquérir notre ( forme d’) intelligence et des capacités identiques relève de spéculations audacieuses. Celles des auteurs de SF qui, comme moi, ne sont pas dupes : ce sont eux, les plus attentifs à ces types de questionnement.
Aussi, quand ils évoquent des fictions de space opera, leurs récits ne relèvent pas de l’anticipation. C’est un travail sur des hypothèses propres à faire réfléchir, à prendre de la distance – on peut imaginer des « machines à explorer le temps » en étant convaincu que ce genre de technologie n’a rien de scientifique - sauf quand on se déplace moins vite que la lumière et qu’il s’agit du « voyage de Langevin ».
Qu’importe.
Savoir que recevoir un message extraterrestre relèverait du miracle n’empêche pas les scientifiques d’essayer.
Savoir qu’aucun humain ne serrera jamais la main ( la pince, la tentacule, etc. ) d’un extraterrestre n’empêche pas les auteurs de SF de spéculer – ni les exobiologistes de chercher.
Savoir… mais à quoi bon ? me demandent ceux qui jugent que nos problèmes, sur Terre, sont plus importants et urgents à résoudre que les énigmes de la Vie et de l’Univers.
Faux.
Savoir que notre espèce est un miracle de l’évolution, que l’humanité est un phénomène rare, exceptionnel, peut-être unique au sein d’un cosmos gigantesque, cela donne la mesure de nos conflits dérisoires. L’univers… sa taille, son histoire et ses lois nous donnent le vertige, à nous qui avons la capacité inouïe de pouvoir le contempler, l’étudier, le comprendre, en percer peut-être les mystères.
Et que fait l’espèce exceptionnelle qu’est devenue l’homo sapiens après tant de millions d’années ? Elle se déchire, se complait dans un consumérisme et des égoïsmes navrants. Elle se condamne peut-être à se faire disparaître elle-même...
Cette prise de conscience apparaît quand on regarde le ciel. Quand on s’interroge sur le passé de l’univers. Sur son présent. Et sur notre capacité de maîtriser l’avenir de notre propre espèce. Elle apparaît aussi quand on s’intéresse aux sciences, à l’astronomie. Ou quand on lit certains ouvrages de science-fiction. Avec, en filigrane, cette énigme : sommes-nous, dans l’univers, la seule forme de vie à être consciente de notre propre condition ? A regarder ailleurs avec les mêmes vertiges ?
Aussi, quand de jeunes lecteurs me demandent :
- Vous croyez aux extraterrestres ?
Je peux répondre :
- Oui ! Je crois qu’il y a eu, qu’il y a, qu’il y aura de la vie ailleurs.
Mais quand ?
Où ?
Et quelles formes de vies ?
Ce sont là les bonnes et vraies questions.
Celles que se posait peut-être déjà l’homme des cavernes quand il regardait le ciel.
Celles que se poseront les humains jusqu’à la disparition de leur espèce.
Celles que se posent les enfants et les poètes quand, redoutant la solitude de la condition humaine, ils demandent, à la manière des Pink Floyd ( in The wall ) :
Is there anybody out there ?
CG